Il faut situer le contexte ; à cette époque j’avais une trentaine d’années. J’étais peintre et ma passion me portait. L’essentiel de mon énergie était dirigée vers l’art. En même temps je portais quelques expositions, reconstruisais une petite ruine acquise quelques années plus tôt pour protéger mon œuvre naissante et surtout économiser un loyer. Il me fallait aussi travailler quelquefois pour gagner quelque argent et survivre. J’étais heureux.

Cependant dans ce contexte je me suis trouvé victime d’un surmenage et c’est sur mon lit d’hôpital que je pris conscience qu’un artiste doit aller au bout de ses rêves, tout au moins savoir définir son désir propice à la création.

C‘est ainsi que je rêvais quelque fois de cet artiste qui aurait réussi et pouvait aller s’installer où bon lui semble pour habiter cette planète.

A cette période, mon travail ne parlait que de la terre et du ciel, de quelques interactions entre eux… D’aucune manière je ne touchais dans ma peinture à l’homme ou à l’humanité. Cela m’interrogeait souvent.

C’est là que je pris conscience que je n’avais plus à me stresser outre mesure et que je devais réaliser un rêve qui,en tant que  « vieux routard au chômage » depuis quelque temps me semblait tout à fait réalisable.

Je décidais en cette année 1985 de repartir mais en tant qu’artiste cette fois, et d’aller «jouer mon Gauguin» sous ces latitudes que je connaissais déjà, là-bas en Colombie, sur les sites de San Agustin (certainement le plus grand statuaire précolombien) et de Tierradentro. Ici pour ces civilisations, ces statues représentent les premièresfigurations humaines à grande échelle.

L’idée était de faire une parenthèse dans mon travail. De me confronter à ces statues, de commencer l’évocation de l’homme ou de la civilisation dans ma peinture.

Un an après, le temps nécessaire de préparation, me voilà sur place.

Je travaillais 6 mois pleins sur ces terrains de grande richesse archéologique. Découvreur, je ne me risquais à aucune interprétation de sens d’autant que les archéologues ne s’y risquaient guère non plus. Ils savaient bien que cette civilisation disparue avait été par deux fois au moins recouverte par d’autres peuples amérindiens, cela même avant l’arrivée des conquistadors.

Dès les premiers jours de travail une réalité s’impose: ce qui pourrait apparaitre comme une constante est loin d’être aussi évident; bien que toutes ces statues soient identifiables au premier coup d’œil à qui connait un peu cette civilisation, les yeux , les nez, par lesquels chacun identifie ces statues ne sont jamais dessinés, sculptés de la même manière. Doit-on en déduire une spontanéité de création différenciée par la pratique propre de chaque sculpteur? Très certainement. Uniformité de l’apparence malgré une forte diversité d’exécution.

J’avoue que dans un premier temps je portais grande attention à ces diversités graphiques avant de remarquer une constante troublante. Elles sont toutes réalisées à partir d’une même structure, trois parties se dégagent, comme dans la plupart des statuaires à figure humaine de par le monde : la tête, le tronc et les jambes, les bras étant intégrés à la partie centrale du tronc. Trois parties, toute égales entre elles, chacune étant rigoureusement inscrite dans unrectangle similaire, quelque fois dans un carré. Cela ne m’étonne plus aujourd’hui …

Après quelques honneurs locaux (ma démarche n’avait pas laissé certains insensibles) je rentrais en France lourdement chargé, avec au fond du cœur une phrase « mission accomplie ». Vous savez j’étais parti comme ça, sans aucun soutien et je rentrais, les statues étaient là, peintes d’une manière assez réaliste et détachées de tout contexte, ma peinture autour complétait ces toiles. Il ne me restait plus qu’à présenter une exposition de ces quelles 35 tableaux.

Les deux années qui suivirent je continuais à peindre dans cette direction car j’avais des choses d’interprétation plus personnelles à montrer.

J’étais aussi occupé à présenter ce travail dans quelque petites expositions que j’organisais moi-même en France et en Allemagne. J’étais devenu « peintre d’Amérique du sud » mais au final ne me satisfaisais pas de cette image connotée.

Il était temps de tourner la page, et de me « débarrasser de cette étiquette » ; Je décidais donc de faire une synthèse de ce travail, d’élaborer un dessin pur, englobant tout ce que je croyais avoir saisi à ce moment.

C’est ainsi que j’ai créé le Toumis – Le Tumis est une figure emblématique au Pérou, mais moi « j’avais tout mis »!

Longtemps après, je compris que je créais un totem.

 

Le principe majeur du Toumis est que ses trois parties (tête, tronc et jambes) sont chacune inscrite dans un carré et les deux carrés tête et jambes pénètrent de 1/3 dans la partie centrale tronc (comme indiqué sur le dessin). Plus récemment j’ai fait un travail d’analogie entre diverses traditions, spirituelle, symbolisme, alchimie et quelques chamanisme… Croyez simplement l’artiste ! La force du Toumis ne cesse de se renforcer.

Certains me demandent, non sans humour, si le Toumis est un Extra-Terrestre, ce à quoi je réponds qu’il est simplement un Terrestre extra !!!

Toumis or not Toumis ? voilà la question !

Mais surtout ne prenez pas cela trop au sérieux, ceci n’est qu’une histoire vraie !

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